Autrefois appelée Zaïre, la République Démocratique du Congo (RDC), vaste territoire de 2.345410km2 situé en Afrique centrale, est depuis un quart de siècle en proie à des conflits qui n’en finissent plus.
Le 7 février 2024, à l’entame de la demi-finale de l’édition ivoirienne de la Coupe d’Afrique des Nations de football entre la République Démocratique du Congo et la Côte d’Ivoire, au moment de faire retentir l’hymne national congolais, les joueurs du pays des Léopards, comme un seul homme, dans une gestuelle lancinante, miment, à l’aide de leurs doigts, d’avoir un pistolet posé sur leurs tempes tandis leurs mains bâillonnent leurs bouches. Un geste dont le sens n’a échappé à aucun observateur pour traduire l’indifférence du monde face au drame qui sévit dans ce pays depuis maintenant 25 ans d’un supplice fait de conflits, de viols, de pillages et de massacres perpétrés par des groupes armés aux accointances avec des multinationales et des lobbies étrangers, lointains ou voisins, caractérisés par une insondable cruauté. Le Congo se meurt dans l’indifférence totale du monde. Face à des instances de médiation internationale semblables à des cartels agissant selon leurs propres intérêts, aux collusions entre des Etats puissants et voraces relayés par des firmes qui dopent leur croissance et accroissent leur influence stratégique : logique implacable et cruelle qu’ils ne s’en émeuvent que fort hypocritement, laissant ainsi libre cours à la tragédie.
Face à ce drame qui a jeté plus de 7 millions de personnes sur les chemins de l’exil, l’on est en droit de se poser une seule question : à qui profite le crime ?
La guerre dans Kivu est une problématique complexe dont il convient ici de faire un petit rappel historique. D’abord, cette guerre trouve ses racines dans l’arrivée en 1994 de milliers de réfugiés Hutus Rwandais au Kivu. A la suite de ce génocide perpétré sur les Tutsis par les Hutus extrémistes, des milliers de responsables Hutus sont contraints de se sauver vers le Sud-Kivu, par crainte de représailles des Tutsis du FPR de Paul Kagamé. Pendant ce temps, un nombre important de Tutsi fuyant le génocide trouve refuge dans le sud-Kivu. Cette cohabitation « risquée » entre réfugiés Tutsis et Hutus sur le même sol va ainsi modifier le caractère de ce conflit ethnique. Une incidence qui voit des Hutus Rwandais se joindre aux Hutus du Kivu (Les Hutus sont une population bantoue d’Afrique centrale présents au Burundi, en Tanzanie et en RDC) pour mener une guerre contre les Tutsis Congolais. Ce qui semblait au départ être un conflit socio-ethnique prendra une dimension régionale qui verra aussi l’entrée en action du nouveau pouvoir rwandais. Les Tutsis, ethnie dont est originaire Paul Kagamé, président du Rwanda depuis le 24 mars 2000, après avoir été vice-président et ministre de la Défense de 1994 à 2000, seront d’ailleurs le « porte-glaive » de Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Laurent Désiré Kabila qui renversera, en mai 1997, le régime du Maréchal Mobutu.
Kivu, bastion du M 23 et de ses affidés
Selon le Groupe d’Etudes sur le Congo, 125 groupes armés sont recensés sur l’ensemble de la région du Kivu, et la moitié d’entre eux demeurent toujours actifs dans l’accomplissement de l’horreur. Parmi les plus redoutés, on citera le Mouvement du 23 mars, plus connu sous le nom de M23, composé des rebelles du CNDP de celui qui est surnommé le boucher de Kivu, le général Laurent Nkunda. Après l’arrestation de Laurent Nkunda, la CNDP signe un traité de paix le 23 mars 2009 (La dénomination M23 vient de cette date de signature des accords de paix) avec le gouvernement de la république démocratique du Congo. En 2012, les rebelles issus du CNDP organisent une mutinerie pour dénoncer la non-application des accords du 23 mars par le gouvernement congolais. Le M23 continuera ses activités jusqu’à en faire de Goma, capitale du Nord-Kivu son fief sous les ordres du général Bosco Ntanganda . Ce dernier sera, plus tard, mis sous les verrous et condamné à 30 ans de réclusion par la CPI pour crime contre l’humanité.
Après l’arrestation de Ntanganda, le CNDP dont la quasi-totalité de ses membres sont originaires du Rwanda continuent d’exiger leur reconnaissance à part entière de leur appartenance à la RDC, en multipliant les actes d’horreur dans le Kivu. Cette situation contraint quelques pays africains à venir prêter main forte au gouvernement congolais en vue d’écraser une fois pour toute ce groupe. Le M23, qui sort affaibli des combats, signe en 2013 un deuxième accord avec le gouvernement, à la grande satisfaction de tous. Cependant et encore une fois, les accords ne se traduisent pas dans les faits :
Le 7 février 2024 le M23 relance les hostilités dans le territoire de Masisi en République démocratique du Congo, au grand dam des populations qui, depuis 25ans, subissent un véritable supplice.
Échec de la Monusco, faiblesse et absence de stratégie du pouvoir central de Kinshasa et le « Business as usual » des différents acteurs du conflit
La MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo) mise sur pied depuis 1999 pour faire respecter les accords de cessez-le-feu a été, elle aussi, pendant près de 25ans, impuissante à faire ramener la paix dans le pays. On pourra ici affirmer sans ligne de fracture que ces 25 ans ont seulement servi à ces « militaires » sous bannière onusienne de s’assurer de salaires mirobolants pendant que la population de Kivu continue de tirer le diable par la queue sous les bombardements de ces bandits de rebelles. En termes de chiffres, la MONUSCO est composée de 25591 personnels issus de 53 pays dont 21 048 membres du personnel en uniforme et avec 19 503 soldats qui « opèrent » sur le terrain. Aujourd’hui il y a lieu de se pencher sur l’échec cuisant de la MONUSCO qui, après presque trois décennies de missions, n’a pas réussi à pacifier le Kivu. A première vue, on pourrait taxer la MONOUSCO de n’avoir pas aidé à circonscrire le conflit au Congo mais au départ, le rôle qu’on lui a assigné lorsqu’elle s’appelait encore la MONUC n’a guère évolué durant ces trois décennies de présence. En effet, la MONUC devenue MONUSCO s’est contentée à sa mission première, celle d’observer les actes de violence et d’en rendre compte : rôle très dérisoire et hallucinant, dans le contexte particulier qu’est la guerre de Kivu. Au final, cette mission qui a englouti des centaines milliards de dollars est, depuis, contestée par le gouvernement central de Kinshasa et la population congolaise qui pensent que la Monusco devait être une mission d’interposition voire une force à même d’affronter les factions rebelles. La MONUSCO, confrontée à une incapacité opérationnelle à protéger les populations et décriée de toutes parts, est désormais contrainte de plier bagage, tournant ainsi une longue et douloureuse page de sa présence dans ce pays.
Félix Tshisekedi, actuel président de la RDC, alors qu’il briguait son deuxième mandat, avait pourtant promis « d’ écraser » les milices mais hélas ! Que nenni ! L’armée congolaise continue de faire face à une résistance acharnée du M23 dans le nord Kivu et à Goma la capitale provinciale. Le pouvoir central, avouons-le, est incapable à faire face aux rebelles aguerris et bien équipés. L’armée congolaise semble souffrir d’une faiblesse comparable à celle des Forces armées zaïroises au temps fort de Mobutu ; une faiblesse qui liée à plusieurs facteurs que les autorités congolaises doivent résoudre afin de rendre ce corps pleinement opérationnel et efficace. Ce grand pays a besoin d’une armée puissante afin de sécuriser chaque centimètre de son territoire. Le Congo, c’est 80 fois la Belgique et 4 fois la France en termes de superficie. C’est le 4ème pays le plus peuplé de l’Afrique, avec une population estimée à 100 millions d’habitants et près de 450 ethnies. Ce pays possède 47% du massif forestier tropical du continent africain, le deuxième du monde après l’Amazonie et 6% des réserves tropicales mondiales. Le Congo c’est aussi un réseau hydraulique qui couvre 77810km2.Le potentiel géologique de ce pays est gigantesque. 60% des réserves mondiales de Coltan se trouve en RDC et le Sud- Kivu est une province très riche où l’on trouve, à part le Coltan, de l’or, de l’étain, du cuivre et bien d’autres matières premières pour lesquelles les rebelles se battent pour en prendre le contrôle. Ce n’est absolument pas un hasard si la RDC est aussi appelée « scandale géologique. Il y a beaucoup de choses à dire sur ce pays aux richesses et potentialités hors-normes, raison pour laquelle la RDC-Congo aiguise tant d’appétits de prédateurs en tous genres.
La pérennisation de ce conflit vieux de plusieurs décennies est vraisemblablement motivée par d’autres motifs plus déterminants que les seules arguties tribalistes généralement avancées car la RDC, si l’ on en croit les immenses richesses dont regorge son sous-sol, fait l’affaire de toutes de ces factions rebelles qui en tirent d’énormes profits en négociant ensuite, à vil prix, les richesses ainsi préemptées sur le sang avec les multinationales (bras armés de la prédation étatico-industrielle internationale) et les Etats rivaux et voisins.
Et la ville de Goma revêt une importance stratégique. Troisième ville du pays, elle se situe non loin des frontières avec le Rwanda, considéré comme la plaque tournante de cette prédation internationale : assurer le contrôle de cette région au plan économique, stratégique et sécuritaire apparaît comme le meilleur moyen de profiter, au prix du sang, des immenses richesses et profits en tous genres du sous-sol congolais. L’appui du Rwanda au CNDP n’est guère fortuit. La porosité à la frontière facilite toutes sortes de trafics, notamment, ceux de minerais comme la cassitérite, un minerai d’une grande importance pour la fabrication des téléphones portables, des pâtes de verre ou encore des vernis minéraux.
Il faut aussi faire mention des acteurs non régionaux qui contribuent á l’éternisation de conflit, les marchands d’armes de tous acabits, les multinationales occidentales, asiatiques qui font affaire par l’intermédiaire de leurs agents en achetant des matières premières sont complices de ce drame.
L’Union Africaine acteur incontournable de la paix en République démocratique du Congo
La paix au Congo ne saurait être gagnée sans un apport d’un contingent africain aguerri et composé de plusieurs nationalités. Mais l’Union Africaine qui devrait prendre la tête de cette initiative est-elle vraiment africaine au vu de sa docilité politique et financière aux grandes puissances occidentales, notamment ? N’est-elle pas traversée par ses divergences stratégiques entre pays-membres ? Tshisekedi est arrivé mais n’est pas Zorro, le mandat de la Monusca, sommée de partir, a été prorogé dans un style très onusien : « En décembre, le Conseil de sécurité a décidé de proroger, pour un an, jusqu’au 20 décembre 2024, le mandat de la MONUSCO, tout en décidant d’initier son « retrait progressif, responsable et durable » du pays. Le Conseil a décidé notamment que la MONUSCO retirera sa force de la province du Sud-Kivu d’ici à la fin avril 2024 et limitera son mandat aux provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri de mai 2024 jusqu’à la fin de la période couverte par le mandat actuel. » Tout est dans le « durable »…
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